Don d'organes : Etang-sur-Arroux, première commune de Bourgogne à devenir ambassadrice
La commune d'Etang-sur-Arroux va être la première en Bourgogne à recevoir le "ruban vert" du don d'organes, à l'occasion de la journée nationale du don d'organes, ce jeudi 22 juin. C'est un label de "Ville ambassadrice" qui va être décerné pour faire progresser les mentalités sur le don d'organes et de tissus.
La commune d'Etang-sur-Arroux organise chaque année, depuis 2017, un événement autour du don d'organes : le trophée Louis Jacquemard, une course à pied, un challenge sportif organisé par l'EPIDE (Etablissement Public pour l'Insertion dans l'Emploi) du Velet à Étang. Cette journée va être aussi l'occasion de recevoir le label de Ville ambassadrice du don d'organe.
Un simple panneau pour une prise de conscience ?
Décerner un label, apposé au panneau d'entrée de commune, c'est un symbole qui peut susciter des réflexions, selon Fabrice Jacquemard. "Les panneaux d'entrée de ville, le nombre de passages devant un panneau, ça permet de déclencher une réflexion dans l'esprit des gens et peut-être d'en parler en famille, en voiture. C'est pas des choses qu'on aborde facilement, la communication est importante. Le but d'avoir le label sur la commune, c'est d'en parler aux autres élus et que d'autres villes et villages y adhèrent."
Au départ, un drame familial
Fabrice Jacquemard travaille dans le domaine de la santé, mais ce qui l'a plongé dans la prise de conscience du don d'organes, c'est lorsque son fils Louis est décédé en 2015 à l'âge de 18 ans d'un accident de la circulation. Son fils, touché à la tête, était alors en état de mort cérébrale. Ses parents avaient autorisé les médecins à prélever ses organes. Une association pour la promotion du don d'organes ("De tout cœur avec Louis"), a été créée en mars dernier. Mais pour Fabrice Jacquemard, raconter leur expérience, "c'est quelque chose qui nous permet de faire notre petite thérapie !"
Fabrice Jacquemard raconte son implication dans le don d'organes : "L'accident est arrivé en 2015, la démarche s'est faite de façon automatique. Le fait de parler beaucoup avec le service de coordination du don d'organes du CHU de Dijon, on s'investit au niveau familial, on a trouvé que la cause était très importante. Il faut que les gens en parlent, sachent les choses qui se fassent, comment ça se fait."
Le don d'organe, souvent une réticence pour les familles, une crainte de toucher à l'intégrité d'un corps. "Pour mon fils, on a fait un don de cornée, et on s'inquiétait énormément de savoir comment on allait retrouver le corps, raconte Fabrice Jacquemard. Alors que c'est comme une opération basique, le corps, ils en prennent un soin énorme. "
"La loi est très bien faite "
Les associations rappellent que depuis 30 ans l'écart entre le nombre de personnes en attente de greffe et le nombre de greffes réalisées ne cesse d'augmenter. 27 000 personnes sont en attentes de greffe, 70 000 personnes vivent avec un organe greffé, on compte environ 1000 décès par an de personnes ayant besoin d'une greffe.
Beaucoup de questions sont à explorer autour du don d'organes : respect du souhait des familles, des défunts, anonymat des dons, listes de receveurs... Fabrice Jaquemard, de par sa douloureuse expérience familiale, peut témoigner en qualité de famille de donneur : "On n'est pas beaucoup à témoigner en qualité de famille de donneurs, par contre on tient beaucoup à témoigner avec des greffés aussi : il y a deux positions assez différentes de part et d'autre, et quand on témoigne ensemble, cela permet de comprendre au fur et à mesure pourquoi les dons se font anonymement, cela permet aussi d'expliquer en quoi la loi est très bien faite en France. Ça peut devenir très compliqué, de chercher à savoir qui a donné, quitte à se sentir trop redevable et inversement trop se projeter sur l'autre personne, il faut bien faire attention à cela."
Le côté tabou du don d'organe franchi avec l'inversion du consentement ?
Le 1er janvier 2017, la loi sur le don d'organe s'inversait au niveau du consentement, c'est-à-dire que par défaut, sans avis du donneur fait de son vivant ou un avis explicite de la famille, le consentement à donner ses organes devient présumé. Alors est-ce que les choses ont évolué en France depuis cette date ? Fabrice Jacquemard est partagé : "Cela a permis de franchir un cap, mais cette inversion n'a pas forcément été bien comprise. Il faut l'expliquer, par exemple l'actualité en 2021 avec la morgue de l'Université Paris-Descartes et les personnes qui avaient fait don de leur corps pour la science : les gens ont fait l'amalgame entre le don du corps à la science et le don d'organes. Il y a eu davantage de refus. Les gens ne sont pas assez bien informés sur le don d'organe."
Et le rassemblement prévu à Étang-sur-Arroux jeudi 22 est un carrefour "important" selon lui. Il faut "en parler avec les jeunes. Déjà parce qu'ils n'ont pas de tabous, ils en parlent assez facilement. Les questions viennent toutes seules."
Pour Fabrice Jacquemard, il existerait une posture de blocage d'ordre "générationnelle" qui a poussé le collectif "à organiser des petites conférences avec le service de coordination de dons d'organes de l'hôpital. C'est tellement tabou que les gens n'osent pas poser de questions !"
Le challenge "Louis Jacquemard"
Le challenge sportif est une idée voulue par le prof de sport de Louis Jacquemard. Fabrice Jacquemard raconte comment le projet s'est monté en 2017 : "Mon fils était en Staps au Creusot, il a eu son accident en repartant. C'est son prof de sport au Staps qui est aussi enseignant à l'EPIDE à Étang, qui a eu l'idée de créer un événement sportif au nom de Louis, qui prend de l'ampleur d'année en année. Tous les villages des alentours sont invités pour avoir des enfants pour participer. On organise également un point d'accueil du CHU de Dijon et de l'hôpital du Creusot, ils viennent avec des infirmières pour parler du don d'organes et informer les jeunes. Le but est de libérer la parole."
22/06/2023